Paris, le 10 Mars 2010
LES INCOHERENCES DU MINISTERE DE LA DEFENSE
DANS
LA MODERNISATION DES TROIS ARMEES
DEUXIEME PARTIE
1-Mesures destinées à renforcer la cohésion et l’efficacité du ministère de
la Défense
Dans le cadre du premier conseil de modernisation des politiques publiques, Hervé Morin, ministre de la Défense, a présenté un certain nombre de mesures dont
l’objectif est de renforcer la cohésion et l’efficacité du ministère de la Défense.
1-1 La création d’un comité exécutif restreint auprès du ministre
reposant sur les trois grands subordonnés que sont le chef d’état-major des armées, le délégué général pour l’armement et le secrétaire général pour
l’administration auxquels se joindront le délégué aux affaires stratégiques qui verra ses compétences élargies à la prospective ainsi que le chef du contrôle des armées.
On pourrait y faire le commentaire suivant : à quoi cela sert-il d’y adjoindre le secrétaire général pour l’administration et le délégué aux affaires
stratégiques ?
C’est au ministre de leur faire part des décisions prises mais ils n’ont aucune raison de participer au débat qui concerne uniquement les opérationnels et celui
chargé de leur fournir armes et équipements.
On pourrait par contre souhaiter la participation des trois Chefs d’EM de chaque Armée. En effet ce sont eux qui sont responsables d’aptitude opérationnelle de leur
armée.
1-2 La création d’un comité d’investissement où se prendront toutes les décisions relatives aux grands investissements du ministère, qu’ils portent sur les programmes d’armement ou les infrastructures. Le secrétariat de
ce comité sera assuré par la direction des affaires financières.
On peut également y faire le commentaire suivant : c’est le comité complémentaire au précédent dont la mission est de définir les financements nécessaires aux
programmes arrêtés par le comité exécutif. Ses participants devraient être limités au DGA et au SGA, assisté par la direction des affaires financières.
On notera cependant que la participation à de nombreux comités ne peut que ralentir les décisions et crée des confusions dans les responsabilités.
1-3 Le renforcement de l’autorité du chef d’état-major des armées sur les chefs
d’état-major. Le CEMA devrait se voir transférer l’ensemble des attributions pour la planification, le budget et les programmes. Attributions qui appartenaient précédemment aux trois Chefs
d’Etat-Major de chacune des Armées (Terre, Marine et Air) Ces derniers ne garderont que la responsabilité du recrutement, de la formation et de la préparation des forces.
Ce renforcement tout à fait à l’opposé de ce qui se pratique aux USA, présente à notre avis les importants inconvénients suivants rappelés dans le texte ci-dessous,
déjà publié dans un précédent document :
Le Général Bentégeat étant Chef d’Etat-Major des Armées (CEMA), le Décret n°2005-520 du 21 Mai 2005 semble avoir été pris dans le but de renforcer sa position
vis à vis des nouvelles structures mises en place en 1992, qui concernaient les créations de la Délégation aux Affaires Stratégiques, de la Direction du Renseignement militaire et du Centre
Opérationnel interarmées.
Ce Décret fixe les attributions du Chef d’Etat-Major des Armées auquel sont subordonnés les trois autres chefs d’Etat-Major.
En son article 16, il précise que le CEMA assure le commandement de l’ensemble des opérations militaires à l’exception des moyens de dissuasion.
Le CEMA est donc responsable de la conduite des opérations et pour cela il élabore les plans d’emploi, il propose l’articulation générale des forces et répartit les
moyens opérationnels entre les commandants de théâtres sur lesquels il a pleine autorité.
Les dispositions du Décret n°2005-520 ont semblé inadaptées aux membres du « Think Tank » tant pour des raisons opérationnelles que pour des raisons
humaines.
Concernant les raisons opérationnelles,
l’organisation découlant de ce décret semble avoir été inspirée par les dernières opérations du dernier conflit qui étaient essentiellement des opérations combinées, faisant
intervenir les trois Armées .
On peut définir des opérations combinées comme celles faisant intervenir les trois Armées, opérant conjointement vers un même but, dans un même espace de temps et
sur le même théâtre. Les exemples les plus marquants sont les Débarquements US sur les îles du Pacifique, les Débarquement Alliés de Provence et de Normandie. Il est bien évident que de telles
opérations nécessitent des Etats-Majors intégrés. Le retour des opérations sur les moyens opérationnels futurs continuait à se faire par le canal de chaque Etat-Major d’armée.
Par contre lorsque les opérations conduisent à faire intervenir des éléments de forces de l’une ou de deux armées mais non conjointement, elles peuvent être
programmées et conduites par les Etats-Majors de chaque Armée. Les dernières opérations conduites sur les côtes du Liban, sur les côtes Dalmates, en Côte d’Ivoire et en Afghanistan sont de ce
dernier type.
Aussi dans la conjoncture actuelle, il est très probable qu’elles demeureront de ce type, les trois Armées pouvant être amenées à intervenir mais dans des
actions séparées
Lorsque l’on examine la guerre de l’été 2006 entre Israël et le Hezbollah, telle qu’elle est décrite dans le livre de Frédéric Pons « Israël en état de
choc », on s’aperçoit qu’une des principale raison de la non performance d’Israël réside dans la décision du Général en Chef, aviateur et CEMA, d’engager la bataille par l’utilisation
massive de la puissance aérienne pour imposer la domination militaire, alors que jusque là les forces d’Israël avait été conduites dans la bataille par des généraux « terriens », pour
la plupart issus des Forces blindées ou parachutistes.
Concernant les raisons humaines,
l’organisation découlant de ce décret fait converger toutes décisions sur un seul individu qui peut, selon son caractère, avoir tendance exercer une certaine dictature vis à vis des autres
Armées. Si la personnalité du titulaire du poste à l’époque permettait de penser qu’il appliquerait avec souplesse le décret, il n’est pas certain que ses successeurs aient les mêmes qualités. En
bref il n’est pas sain de pérenniser une organisation trop liée à la personnalité d’un homme.
1-4 Le recentrage du Secrétariat général pour l’administration pour le pilotage des
fonctions transverses (finances, ressources humaines, juridiques) et le renforcement de la fonction financière.
On peut y faire le commentaire suivant pour dire que c’est une évidence.
La réforme de la procédure de conception et de lancement des programmes d’armement clarifiant les responsabilités des
différents acteurs autour d’équipes intégrées.
Notre point de vue a été précédemment exprimé.
Le regroupement de l’ensemble de l’administration centrale du ministère sur le site de Balard.
Un bâtiment moderne et fonctionnel permettra aux services et aux états-majors de disposer de conditions de travail plus adaptées.
Notre point de vue a été précédemment exprimé.
2- Principes ayant sous-tendus les réorganisations de 3 armées depuis
1990
Ce paragraphe expose les réformes entreprises dans les trois Armées depuis 1990 c’est à dire avant le 11 Septembre 2001. La situation aujourd’hui pourrait être
caractérisée comme suit : « les Etats doivent affronter des groupes armés dont les buts dépassent la simple souveraineté étatique. Pour aggraver les difficultés, la conjonction du
fanatisme, des médias et des techniques modernes provoquent des catastrophes tels les attentats suicides, etc …. ».
2-1 Sur le site Internet du Ministère de la Défense, la page de chaque armée présente différentes rubriques dont la rubrique « Mission ».Malheureusement à aucun moment la mission de chaque
armée n’y est présentée à part en partie celle de la Marine.
Deux tendances lourdes sont présentées en exergue de ce chapitre :
-la montée en puissance du « fait interarmées et
multinational » concernant l’engagement des forces armées,
-dans ce cadre, les trois armées ont cherché à adapter leurs structures en mettent l’accent, chacune selon ses spécificités, sur le recentrage des effectifs
sur le cœur du métier opérationnel.
Pour un militaire quelconque, il est difficile de comprendre ce qu’a voulu exprimer le rédacteur par ce langage ésotérique,
Quoiqu’il en soit les membres du Think Tank ont retenu que :
-toute opération devait être interarmées et qu’il n’y aurait plus d’opérations spécifique d’une armée. Ce qui justifie la création d’un Centre Opérationnel interarmées.
-le sens du cœur du métier opérationnel n’étant pas défini, comment le lecteur doit-il l’interpréter ? peut-t il y avoir un cœur opérationnel pour une structure interarmées ?
par contre il est possible de concevoir un cœur opérationnel pour une armée dans le cadre de son milieu spécifique.
Il semble que le décret d’extension des compétences du CEMA ait été pris dans l’idée que la fusion des Armées en une seule structure constituée par les trois
composantes Terre, Mer et Air serait l’idéal pour assurer une défense nationale.
Si l’on veut bien se souvenir de l’expérience tentée par les Canadiens, qui sont ensuite revenus aux anciennes séparations des trois Armées, chacune destinée à
opérer dans un milieu spécifique, le sol pour l’Armées de Terre, la Mer pour la Marine et l’Atmosphère pour l’Armée de l’Air.
De plus l’expérience a montré qu’une telle organisation augmentait les besoins en officiers et était également désastreuse psychologiquement en détruisant l’esprit
de corps, garant de l’efficacité au combat.
En effet aucun officier, si brillant soit-il, ne peut être compétent dans tous les domaines de l’action opérationnelle sur le sol, en mer ou dans les airs. Aussi
lorsque l’action opérationnelle se déroule dans plusieurs milieux, il est nécessaire de le compléter par un adjoint spécialiste du milieu et c’est ainsi que se fait l’inflation des Etat-Majors
interarmées.
Il a été souvent évoqué le déterminisme de chaque Armée à propos de son milieu d’action opérationnel : le sol, la mer ou l’air. Ces évocations ont eu lieu par
exemple à propos de l’utilisation de mêmes aéronefs par les trois armées. Sur un exemple concernant l’utilisation d’hélicoptères par les trois armées, il est apparu que, même s’il existe une même
formation de base, la Marine ne les utilise pas comme la Gendarmerie ou l’Armée de Terre, de même les forces spéciales de la Marine ne seront pas utilisées de la même façon que celles de la
Gendarmerie ou celles de l’Armée de Terre. C’est là le déterminisme de chaque armée !
Il est alors possible d’aller plus loin sur la nécessité de la spécificité pour chaque armée en se posant la question : pourquoi aurait-on créé trois Ecoles
différentes pour former les officiers ?
Comme la formation des officiers est non seulement dispensée dans ces Ecoles mais également au cours de leur service dans les Forces, leurs comportements
intellectuels naturellement divergent selon les armes pour l’Armée de Terre et/ou selon les Armées.
Parmi ces officiers, comme dans toute population, on y trouve les plus nombreux parmi ceux qui se satisfont uniquement de servir le Pays.
Les autres, les moins nombreux, ambitionnent les grands postes ; soit pour servir leurs ambitions personnelles, soit poussés par leur dynamisme.
Parmi ces derniers, le problème difficile du Gouvernement est de sélectionner dans ces derniers ceux ayant une largeur de vue suffisante liée à une forte
personnalité pour en faire des officiers généraux. Il s’avère que c’est une sélection difficile en temps de guerre non déclarée comme le montre notre histoire.
2-2 Le chapitre rappelé par le titre de ce paragraphe examine les résultats des réformes entreprises depuis 1990 dans les trois Armées principalement sur les
effectifs, le nombre d’unités opérationnelles et des bases.
Avant d’aborder les missions devant être imparties à chaque Armée, il nous paraît intéressant d’examiner les conséquences de ces réformes sur la situation
opérationnelle d’aujourd’hui. Compte tenu de notre expérience propre, nous limiterons cet examen à celles pour la Marine.
Nous ne ferons aucune réflexion sur la réforme de l’échelon central (ADAPTEM) car elle ne conditionne pas directement l’emploi opérationnel des forces. Par contre
les réformes qualifiées d’OPTIMAR ont eu un effet direct sur l’utilisation des forces navales, sous-marines et aéronavales.
-le regroupement des forces maritimes de surface en un grand réservoir: Force d’action navale principalement basée à Toulon,
-le regroupement des forces sous-marines AL FOST, principalement basées à Brest, ne fait pas état des sous-marins d’attaque.
-la fermeture des commandements maritimes à Cherbourg, Lorient, Rochefort.
-le réarmement des sémaphores.
Les principales réflexions sur l’inadaptation d’OPTIMAR à la situation présente nécessitant le contrôle des frontières maritimes ainsi que l’intégration de l’action
de l’Etat en mer dans les attributions opérationnelles de la Marine ont été exprimées dans le document intitulé « Une Pensée Navale et Maritime Rénovée ».
Il convient maintenant d’essayer de définir ce que devraient les missions de la Marine dans le cadre des missions des Forces Armées.
Jusqu’ici l’on classait les fonctions stratégiques en quatre volets:
- La Dissuasion –
La Prévention – La
Protection – La Projection –
Sur ces volets l’on peut faire les réflexions ci-dessous :
-concernant la fonction « Dissuasion », dans le document intitulé « Une Pensée Navale et Maritime Rénovée », nous avons exprimé un doute sur sa
pérennité devant les proliférations des armes nucléaires et les attentats suicides de la part des islamistes.
-concernant la fonction « Prévention », il nous apparaît que cette fonction ne devrait pas relever de la compétence des Forces Armées, mais de celle de la
Diplomatie.
-concernant la fonction « Protection », nous pensons que c’est la fonction principale des Forces Armées.
-concernant la fonction « Projection » nous pensons que les Forces Armées doivent en être capable si la Diplomatie n’a pas réussi dans la fonction
« Prévention » .
-par contre s’il nous paraît souhaitable de rajouter la fonction « Connaissance, Renseignements et anticipation », il conviendrait de mieux la
définir au niveau de chaque armée.
Si maintenant l’on examine les missions prévues pour être assurées actuellement par la Marine :
- La Dissuasion - La Prévention - La Projection - La Sauvegarde Maritime -,
On peut y faire les commentaires suivants :
-la pérennité de la FOST est liée à celle de la dissuasion et donc de la politique du gouvernement en la matière. L’opinion du Think Tank a été exprimée dans le
Document « Une Pensée Navale et Maritime Rénovée », dans lesquelles les membres pensent que la dissuasion n’est actuellement pas plus valable que ne le fut « La Ligne
Maginot » en son temps et qui a donné longtemps une impression de sécurité qui s’est avérée fausse.
De même si l’on souhaite diminuer la prolifération des armes nucléaires, la meilleur méthode n’est-elle pas d’arrêter nous-même discrètement leur
développement ?
-les fonctions « Prévention » et « Sauvegarde Maritime » devraient être liées mais assurées par des moyens navals de surface ou sous-marins et
aéronavals différents Ces fonctions devraient être de la compétence opérationnelle unique de la Marine .
La fonction « Sauvegarde Maritime » fait partie de la fonction « Prévention » et elle ne devrait pas nécessiter la création d’une
« Garde-Côtes ». Une réflexion devrait être menée entre les administrations opérant le long des Frontières Maritime (Marine Nationale, Secrétariat général à la mer, Douanes) pour
séparer les moyens d’établissement des activités maritimes de celles des moyens de contrôle de ces activités. C’est ainsi que l’on évitera les « doublons » existant actuellement. Dans
une telle perspective, il conviendrait d’examiner à nouveau le système SPATIONAV qui pour le moment pas plus d’efficacité qu’une Ligne « Maginot Maritime »..
-la fonction « Projection » est grandement liée à celle de l’Armée de Terre.