LE CONTROLE DES FRONTIERES MARITIMES DE L’ETAT
1-DELIMITATION DES FRONTIERES ET ACTIVITES
EXERCEES
Pour leur contrôle les frontières maritimes ne doivent plus être considérées comme des limites géographiques dont le franchissement doit être
surveillé, mais comme un ensemble de zones géographiques où peuvent s’exercer différentes activités maritimes qu‘elles soient licites ou illicites.
Ces zones sont définies internationalement par la Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer qui définit également les obligations et les
droits des Etats riverains. Il en découle donc des modes différents d’intervention. A partir de la côte, elles sont définies comme suit en allant vers le large :
-la mer territoriale jusqu’à 12 nautiques au large,
-la zone contiguë jusqu’à 24 nautiques au large,
-la zone économique exclusive jusqu’à 200 nautiques au large.
A ces zones de définition internationale, il convient de rajouter les eaux littorales de définition nationale puisque considérées internationalement
comme « eaux intérieures de l’Etat ». Celles-ci sont le lieu d’activités maritimes diverses et intenses qui doivent également pouvoir être contrôlées.
-les eaux intérieures s’étendent de la laisse de
haute-mer, c’est à dire du rivage, jusqu’à 6 nautiques vers le large.
Dans ces zones, en plus des activités spécifiques de l’Etat côtier ( militaires, polices, douanes), les activités maritimes exercées
concernent :
-la circulation maritime générale des cargos, des porte-containeurs, des pétroliers ou méthaniers, des navires à passagers (paquebots et
croisières), des navires de servitudes, des navires de plaisance, …
-les entrées et sorties de ports, provenant ou aboutissant à la circulation maritime générale,
-les navires en opérations de pêche,
-les exploitations pétrolières et d’extraction de matériaux
-les navires en travaux sous-marins
2-STRATEGIE DE CONTROLE DES FRONTIERES
MARITIMES
Le contrôle consistant à vérifier que les activités exercées sont légales et licites, c’est à dire conformes aux règles internationales ainsi qu’à
celles édictées par l’Etat côtier, il convient d’abord de qualifier ce que sont les contrevenants et ensuite de prendre conscience de
leur stratégie propre pour pouvoir assurer leurs activités illicites.
D’une façon générale ceux-ci cherchent dans leurs activités, commerciales ou illicites, à s’affranchir des règles du commerce internationale et de
celles édictées par l’Etat côtier.
Ils peuvent agir soit isolément, ce qui est rarement le cas, soit en groupe indépendant, soit en bandes organisées de plusieurs groupes. Leurs
activités extrêmement diverses peuvent concerner : la contrebande des marchandises, les trafics de drogue, les trafics d’armes, les passages d’émigrants clandestins, les actions terroristes
en mer ou venant de la mer et visant le territoire de l’Etat côtier, etc…
Basée sur les renseignements fournis par des complices, leur stratégie peut être analysée comme suit:
-trouver sur le territoire « ciblé » des personnes capables d’écouler leurs trafics,
-récolter des informations sur les dispositifs statiques ou mobiles de contrôle par l’état côtier ainsi que des époques et périodes propices à leurs
activités,
- récolter des informations sur les lieux favorables pour aborder le territoire en vue d’y délivrer leur trafic,
- récolter des informations sur les zones favorables pour approcher le territoire (zones de pêche, zones d’activité nautiques ou maritimes
intenses,
- récolter des informations sur des moyens maritimes pratiquant les lieux choisis pour pouvoir se dissimuler dans le trafic côtier existant
habituellement (petits cargos, navires de pêche, navires de plaisance voiliers ou à moteur de préférence rapides, etc…).
Cette analyse permet d’en déduire les principes d’une stratégie de contrôle à mettre en place:
-les zones d’occurrence devraient se trouver à proximité des côtes et des ports, des zones littorales et des eaux intérieures et de la mer
territoriale,
-une mise en place de réseaux d’informations complémentaires (opérationnelles et discrètes) pour établir des « Situations Surface » de
zones tenues à jour. Ces situations permettront de déceler les activités douteuses des activités habituelles dans la zone,
-la conception des dispositifs de contrôle qui devront être peu statiques mais mobiles et erratiques. Les sémaphores côtiers devront être complétés
par des vedettes ou patrouilleurs assurant des patrouilles erratiques dans les zones, fournissant l’information opérationnelle, capables d’identifier les navires douteux et de mener des
interceptions pour visites
3-MOYENS
OPERATIONNELS
Ils sont constitués par :
-les sémaphores équipés de Radars de Surface pour assurer les détections dans leurs zones de portée Radar. Servant en outre de « Poste central
opérationnel » du Secteur de Surveillance, ils doivent être équipés d’un « Système de transmission de données » pour faire la synthèse des informations fournies par les patrouilles
en vue d’établir une « Situation Surface » du Secteur de Surveillance.
Cette dernière est obtenue à partir des données fournies :
> par l’Information ouverte ou opérationnelle (Open or Operational Intelligence), provenant :
-des détections radar et identifications visuelles des patrouilleurs et aéronefs,
-des détections radars et visuelles des sémaphores et des CROSS
-des capitaineries des ports de commerce, pêche et plaisance
-des brigades de Gendarmerie maritime de surveillance du littoral
> par l’Information discrète( Shadow Intelligence), provenant principalement des Services spéciaux de l’Etat ainsi que de l’Administration
des Douanes.
4-ORGANISATION OPERATIONNELLE ACTUELLE,
En l’absence de l’existence d’un danger terroriste, les actions concernaient :
-la régulation de la Circulation Maritime Générale pour prévenir les accidents de mer,
-le Sauvetage en mer
-la lutte contre les pollutions
-l’interdiction de la contrebande et des trafics illicites (drogue,’armes, immigration clandestine)
-la police des pêches et la navigation de plaisance.
Dans la mer territoriale, ces contrôles étaient coordonnés par l’Amiral, Commandant opérationnel des Forces aéronavales de la Région Maritime, au
titre de Préfet Maritime pour lequel il relevait du Premier Ministre à travers le Secrétaire Général à la Mer.
La France n’ayant pas de Gardes-Côtes comme dans certains autres pays, cette organisation a été mise en place pour coordonner les actions
d’organismes agissant dans la mer territoriale avec leurs moyens propres mais relevant de Ministères donc de budgets différents : Administration des Douanes, Administration des Affaires
Maritimes pour citer les principales.
Dans chaque Préfecture Maritime, cette coordination est assurée par la Division intitulée « Action de l’Etat en Mer » à côté de la
Division « Opérations » qui se consacre uniquement aux activités militaires.
En dehors d’une coordination des moyens il s’en est principalement suivi pour la Marine nationale:
-une tendance à considérer ces activités comme secondaires, car ayant été rajoutées à ses activités opérationnelles pour lesquelles elle avait été
conçue.
-mais surtout il s’en est suivi une duplication coûteuse des moyens de surveillance et de contrôle (équipages, navires et aéronefs) qui pourrait
être supprimée en séparant ces actions d’intérêt général des actions spécifiques de l’Administration concernée.
En effet, si toutes ces activités nécessitent des services de renseignements spécialisés pour rechercher l’information discrète, saisir les objets
du trafic et conduire les interrogatoires, par contre pour les identifier, les contrôler, les inspecter et les arraisonner elles nécessitent toutes des patrouilleurs et des
aéronefs.
On pourrait alors en conclure qu’une même flottille sous les ordres du Préfet Maritime pourrait assurer l’ensemble des missions
suivantes :
-celles de la compétence du Ministère de l’Intérieur pour la lutte contre le terrorisme, les trafics illicites et l’immigration
clandestine,
-celles de la compétence de l’Administration des Douanes pour la contrebande,
-celles de la compétence de l’Administration des Affaires Maritimes pour le contrôle des pêches et de la Navigation de plaisance.
Dans les zones littorales, les capacités de surveillance et les pouvoirs de contrôle sont répartis entre les éléments suivants :
-les sémaphores de la Marine Nationale, répartis sur des points de la côte mais ne couvrant pas tout le littoral,
-les CROSS de l’Administration des Affaires Maritimes,
-les Services des Affaires Maritimes à l’origine implantés dans les principales villes côtières ainsi que leurs vedettes.
-les stations et vedettes de la Société Nationale de Sauvetage en Mer,
-les unités de Gendarmerie Maritime comportant chacune une brigade de surveillance du littoral implantée dans le principal port, des postes dans les
ports secondaires et des vedettes dans les principaux ports de pêche,
-les unités côtières de la Gendarmerie Départementale avec des vedettes implantées dans les principaux ports de pêche,
-les Services de l’Administration des Douanes et leurs vedettes implantées dans les principaux ports de pêche,
Les Quartiers d’Affaires Maritimes, ayant été supprimés, alors que leur rôle principal était de connaître les populations locales vivant de la mer,
il existe un déficit de contact avec ces populations vivant sur place et qui peuvent être d’une grande utilité contre des actions illicites et les infiltrations de terroristes.
Dés l’apparition des possibilités d’actes de terrorisme venant de la mer ainsi que celles d’immigration illicite par mer, la Marine Nationale a
pensé résoudre les problèmes en réactivant ses sémaphores jour et nuit et en les équipant de radars et les reliant à la Préfecture par un système de transmission de données, le dispositif
SPATIONAV.
Malheureusement ce dispositif, trop rapidement étudié et mise en place, présente les inconvénients présentés ci-dessous en l’éloignant de la
stratégie de contrôle introduite précédemment:
-il est essentiellement statique donc facile à contourner par les contrevenants,
-les sémaphores ne sont pas tous à la même altitude et donc leurs portées Radar sont différentes,
-l’identification les navires douteux ne peut être faite que visuellement par un patrouilleur,
-les sémaphores existants n’ayant plus la vue l’un sur l’autre, il existera des trous de détection.
On peut craindre qu’un tel dispositif statique n’engendre une fausse sécurité contre les menaces terroristes venant de la mer comme l’avait fait en
son temps la Ligne Maginot contre les menaces venant de l’Est.
Pour le compléter il conviendrait de disposer de plus nombreux patrouilleurs équipés du Système NAVSUR développé par la Société
SODENA.
5-ORGANISATION OPERATIONNELLE PRECONISEE
Dans une récente directive du Secrétaire d’Etat Américain à la Défense, diffusée sur son site Internet et adressée aux différentes Forces Armées des
USA, il est indiqué que l’existence nouvelle du danger d’actions terroristes doit être considéré comme une guerre globale. En conséquence il appartient à ces Armées d’assurer la sécurité et
l’intégrité du territoire et des populations.
Cette directive du Secrétaire d’Etat Américain à la Défense mériterait d’être transposée aux Forces Navales Françaises en repensant l’organisation
opérationnelle des Régions Maritimes d’une part au niveau du commandement de la Région et d’autre part au niveau de l’exécution dans la Région décentralisée.
Au niveau de la conduite des activités de contrôle dans la Région:
-les Amiraux, Commandants en chef des Forces Navales et Aéronavales de Régions Maritimes, assureraient leurs fonctions, concernant la lutte contre
le terrorisme et les trafics illicites, au titre du Ministère de la Défense et non plus au titre du Premier Ministre à travers le Secrétaire Général à la Mer.
-Par contre ces mêmes Amiraux, Préfets Maritimes au titre du Premier
Ministre, continueraient à assurer les fonctions de contrôle de la Circulation Maritime, de la lutte contre les pollutions et du Sauvetage en
mer.
Ces dernières activités seraient groupées sous l’appellation Sécurité Maritime en Mer et non plus « Action de l’Etat en Mer ». En effet tout acte conduit par cet officier général,
qu’il soit strictement opérationnel ou non, est bien entrepris au nom de l’Etat.
En ce qui concerne les activités de contrôle dans les Régions, l’expérience montre que les trafics illicites et les intrusions illégales et donc les
actes de terrorisme se produisent dans les zones à forte densité de population où les contrevenants peuvent facilement s’y mélanger ainsi que dans les zones d’interface. Ces zones concernent
principalement les zones littorales où s’exercent les activités de pêche et de loisirs, dont la population augmente considérablement à certaines périodes.
Il importe donc que les autorités, chargées de les contrôler, vivent le plus prés possible de ces populations, ce qui implique que leurs services y
soient implantés
Avant le dernier conflit, la Marine Nationale avait réparti ses moyens opérationnels d’une part dans des bases
principales liées à l’existence d’une DCN, d’autre part dans des « Secteurs Maritimes » le long du littoral aux principaux points d’activité maritimes où étaient également implantés les
Quartiers des Affaires Maritimes.
La nécessité de faire des économies budgétaires, la Centralisation des Affaires Maritimes et la transformation de la DCN en chantier naval de droit
privé ont entraîné la centralisation des moyens opérationnels. Dans un contexte de lutte contre le terrorisme et l’émigration clandestine une telle centralisation est nuisible à l’efficacité de
cette lutte.
Concernant les moyens opérationnels il conviendrait d’en augmenter le nombre et de mieux définir leurs rôles réciproques :
-d’une part pour assurer une meilleure coordination au niveau local,
-d’autre part pour que les usagers en connaissent clairement leur rôle.
Ces moyens opérationnels devraient être les suivants, répartis entre des secteurs maritimes côtiers:
-les sémaphores équipés de radars de surface organisés en Centres opérationnels de secteurs et équipés d’un système de transmission de données d’une
part avec les patrouilleurs et d’autre avec le Centre opérationnel de Région ,
-les CROSS armés par la Région et agissant comme Centres opérationnels de secteurs,
-les Patrouilleurs affectés au Secteur, armés par le personnel de la Région et pour certains par le personnel de la Gendarmerie Maritime,
et équipés d’un système de transmission de données et d’un équipement de navigation intégré pour assurer les patrouilles erratiques et établir la « Situation Surface » du
secteur,
-les stations et vedettes de la Société Nationale de Sauvetage en Mer,
-les brigades de surveillance du littoral de la Gendarmerie Maritime,
Les Secteurs Maritimes auraient une vocation militaire et de police. Ils seraient commandés par un officier de Marine ou de Gendarmerie Maritime. Ces secteurs seraient répartis sur la côte et
implantés prés d’un sémaphore qui servirait de Poste central d’Opération auquel se réfèreraient les différents services du Secteur ou d’un service littoral des Affaires Maritime .
Ces Secteurs Maritimes, ayant une vocation essentiellement militaire de contrôle des activités, ils ne devraient pas faire double emploi, ni
avec les services locaux de l’Administration des Douanes, ni avec les Unités littorales des Affaires Maritimes reprenant les fonctions administratives locales des Gens de mer et de la Pêche,
précédemment assurées par les Quartiers Maritimes.
On aurait ainsi préfiguré une organisation de Gardes-Côtes.